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Littérature : J.R.R. Tolkien était-il raciste ?

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    Bibliothèque Multimédia Intercommunale Épinal et Bibliothèque municipale de Bordeaux – notre réponse conjointe du 21/11/2021.

    J.R.R. Tolkien était-il raciste ? La notion de race est une critique récurrente faite à  l’œuvre de Tolkien alors même que comme le note Isabelle Pantin « l’intéressé [n’]ait rien fait pour l’alimenter. On ne connait de sa part qu’une seule déclaration sur le sujet […] à la fin d’un discours qu’il prononça en quittant sa chaire d’Oxford, il rappela qu’il « avait une haine de l’apartheid dans ses os », mais c’était d’abord pour illustrer son thème majeur : sa détestation de toute séparation entre langue et littérature » (Tolkien et ses légendes : une expérience en fiction, éd. CNRS, 2013).

    Sans prendre position sur ce sujet, voici quelques ressources pour se documenter sur ce sujet.

    Quelles sont les accusations de racisme faites à l’encontre de l’œuvre de Tolkien ?

    Selon l’article wikipédia, Christine Chism (Professeure de Lettres à l’Université de Californie à Los Angeles) distingue trois catégories d’accusations de racisme portées à l’encontre de Tolkien ou de son œuvre :

    •           un racisme conscient,
    •           une tendance eurocentrique inconsciente,
    •           et un racisme latent dans ses premiers écrits ayant évolué vers un rejet conscient de la chose dans ses œuvres ultérieures

    Plus précisément sur le racisme supposé dans le Seigneur des Anneaux, voir
    Le Seigneur des anneaux ou la tentation du mal, d’Isabelle Smadja, PUF, 2002. Sommaire et premières lignes accessibles sur la plateforme Cairn.
    L’auteur y explique ce que les détracteurs de Tolkien lui reprochent : avec les Orques il a «  invent[é] une « race », noire de cœur et de corps, […] sauvage et barbare […] viciée comme l’air qu’ils respirent, comme la langue qu’ils utilisent, comme la langue qu’ils utilisent ». Dotée de qualités spécifiquement humaines (langage, disposition artistique, sens de l’honneur …), Tolkien leur refuse malgré tout la « la dignité humaine, et par là même, la capacité d’exiger qu’on les traite avec un minimum d’humanité, pour des raisons qui sont conformes à l’idéologie raciste : appartenance à une race « louche », héritage s’une culture jugée « abominable », apparence physique jugée « repoussante ». (p.95)
    (La notice Wikipédia relative aux études sur J.R.R. Tolkien met en garde : le livre d’Isabelle Smadja est  « un ouvrage polémique dont la réception a été controversée par les communautés de lecteurs, arguant de ses partis pris, de ses contresens et de ses inexactitudes ».)     

    Tolkien, théoricien de la race pure ?, par Marc Chémali (chercheur au CREA, Centre de Recherches anglophones), dans Changements d’aire : De la « race » dans l’aire anglophone, Michel Prun, éd L’Harmattan, 2007. Le texte est téléchargeable dans sa présentation dans HAL, depuis la rubrique « Fichiers » (colonne de droite).
    Résumé : Dès la première d’une longue série de lectures et malgré la jubilation intense qu’elles suscitaient en moi, j’ai été gêné par certains aspects de l’oeuvre de Tolkien. Certaines valeurs dont le texte était porteur n’étaient et ne sont toujours pas les miennes: les hauts faits d’armes, l’héroïsme sur le champ de bataille, par exemple, me laissent légèrement dubitatif mais n’interrompent pas ma « suspension volontaire d’incrédulité ». En revanche, quand Tolkien parle de races inférieures et de la déchéance d’une race pour cause d’hybridité, il me faut passer rapidement sur le passage en question en retenant ma respiration.


     Tolkien et ses déclarations sur le sujet

    L’article wikipédia sur ce sujet ajoute, en citant les Lettres de Tolkien (publication en français éd. Christian Bourgeois, 2005) : «  En 1944, Tolkien écrit à son fils Christopher, alors en Afrique du Sud avec la Royal Air Force : « Quant à ce que tu dis ou laisses entendre de la situation « locale », j’en avais entendu parler. Je ne pense pas qu’elle ait beaucoup changé (même en pire). J’en entendais régulièrement parler par ma mère, et ai pris depuis ce temps un intérêt particulier pour cette partie du monde. La façon dont sont traités les gens de couleur horrifie pratiquement toujours ceux qui quittent la Grande-Bretagne, et pas seulement en Afrique du Sud. Malheureusement, peu retiennent très longtemps ce sentiment généreux. »


    Des réponses de spécialistes contrastées

    Isabelle Smadja conclut son chapitre de cette façon : « Il faut se rendre à l’évidence, Tolkien, bien qu’auteur du XXe siècle, ne s’est pas complétement départi, dans son ouvrage, de la pensée raciste du XVIIIe siècle. Une fois cela admis, on peut penser en ces termes l’opposition entre partisans et détracteurs de Tolkien. Les premiers diront que l’auteur n’est pas l’ouvrage. Peut-on faire, diront-ils, le procès d’un auteur qui ne décrit pas le monde existant mais qui invente un monde où il projette un certain nombre de créatures issues des fantasmes racistes d’une époque ? Les interrogations des seconds seront différentes : N’y a-t-il pas un certain danger à présenter comme exceptionnellement riche un ouvrage sous-tendu par un tel racisme ? ».

    La conclusion portée par Isabelle Pantin sur le racisme supposé de l’œuvre de Tolkien est la suivante : « Les récits de Tolkien, de toute façon , obéissent à la logique du mythe qui permettrait d’accepter leurs pires horreurs s’ils en avaient (en fait , ils en ont peu) : quand un poète du Kalevala raconte sans beaucoup d’émotion comment Kullervo mit en pièces le bébé confié à sa garde, personne de sensé n’en tire des conclusions sur le degré de tendresse que les anciens Finnois accordaient aux enfants. »


    On trouve une réponse synthétique à cette question sur le site pourtolkien.fr (tout en bas de page), tenu par Vincent Ferré, professeur en littérature générale et comparée à l’Université Paris Est Créteil. En résumé, ce jugement tient généralement à la méconnaissance de l’œuvre de Tolkien (celle-là même qui porte également certaines personnes à croire que Tolkien est un auteur de littérature jeunesse). Et de manière générale, on notera que le site de Vincent Ferré est une mine d’information pour qui  s’intéresse à Tolkien.

    7. Was Tolkien racist ? Were his works ?, par Steuard Jensen sur son site tolkien.slimy.com.
    Réponse un petit peu plus développée tout en restant claire et synthétique (quoique en anglais), même si Steuard Jensen n’est pas un spécialiste (il est professeur de physique à Alma College, une université américaine). 

    On peut également lire les articles (en français, plus longs mais aux conclusions similaires) Tolkien raciste ? de Franck Mazas sur son site tolkiendil.com et Deux poids deux mesures – Tolkien et le racisme de Guido Semprini  sur jrrvf.com (le premier cite d’ailleurs le second). (il semble bien qu’on puisse les ranger parmi les spécialistes de l’œuvre de Tolkien, ils ont écrit de nombreux articles dans diverses revues). 


    Pour approfondir sa connaissance sur la vie et l’oeuvre de J.R.R.Tolkien


    Dictionnaire Tolkien, Vincent Ferré (dir), éditions du CNRS, 2012.

    J.R.R. Tolkien, le créateur du Seigneur des anneaux, Michael Coren, éd. Airelles, 2002.

    J. R. R. Tolkien, une biographie, Humphrey Carpenter, éd. Christian Bourgois, 1980 (première biographie autorisée de JRR Tolkien)

    La Terre du Milieu : Tolkien et la mythologie germano-scandinave, Rudolf Simek éd. Passés composés, 2019.
    Résumé : Trolls et gobelins, elfes et nains, un anneau maudit et une épée brisée, des magiciens lumineux et de sombres sorciers, de puissants dragons, des aigles rédempteurs et un changeur de peaux : les œuvres de Tolkien, notamment Le Hobbit, Le Seigneur des anneaux et Le Silmarillion, regorgent d’éléments et de motifs de la mythologie germano-scandinave. Afin de mieux comprendre comment le philologue d’Oxford a utilisé ces emprunts aux Eddas et aux sagas du Moyen Âge islandais dans la création de la Terre du Milieu, Rudolf Simek offre un véritable guide du monde mythologique de Tolkien. En dix chapitres, appuyés sur des illustrations, l’auteur examine ainsi l’origine des noms, la cosmologie, l’écriture runique, les forces dangereuses ou bienveillantes de la mythologie, les animaux merveilleux ou encore la géographie de la Terre du Milieu, toutes choses qui ont contribué à l’ambiance médiévale de la plus vaste et brillante création fantastique du XXe siècle. » (4e de couverture)

    En vidéo, aperçu de l’exposition Tolkien du 22/10/2019 au 16/02/2020 de la Bibliothèque nationale de France : Exposition Tolkien, voyage en terre du Milieu, chaîne YouTube de la BnF.
    Présentation : La BnF propose une exposition d’envergure consacrée à l’œuvre protéiforme de J.R.R. Tolkien, brillant professeur d’Oxford et créateur de mondes, qui continue à vivre dans l’imaginaire d’un très large public. Les quelque 300 pièces exposées mettent en lumière à la fois l’homme et son œuvre. Pour la première fois en France, de nombreux manuscrits et dessins originaux de Tolkien sont présentés. Parallèlement, une sélection de pièces d’exception issues pour la plupart des collections de la BnF fournit un contexte pour cette création artistique et littéraire.

    En podcast, sur France Culture, Tolkien, l’écrivain monde, en 4 épisodes, émission La compagnie des oeuvres par Matthieu Garrigou-Lagrange, 26 au 29/11/2018.


    EurêkoiBibliothèque Multimédia Intercommunale Épinal et Bibliothèque municipale de Bordeaux


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