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Art : En quoi l’École de Casablanca est-elle un mouvement fondateur pour l’art moderne ?

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    Service d’information à distance de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, en collaboration avec le service Eurêkoi – notre réponse du 26/04/2021.

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    © Psanchez820, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons


    Les écoles des beaux-arts se prêtent tout naturellement à être des lieux de ferment artistique. C’est bien le cas de ce qu’on a appelé « l’Ecole de Casablanca », autour d’enseignants de l’école des beaux-arts de Casablanca. Mais qu’est-ce que ce mouvement artistique, et en quoi est-il fondateur pour l’art moderne au Maghreb ?


    Le mouvement de l’École de Casablanca : définition

    Plusieurs bibliothèques sont abonnées à des bases de données en ligne et notamment à l’encyclopédie spécialisée Oxford Art Online (en anglais, regroupant le dictionnaire Bénézit des Artistes et le Grove Dictionary of Art) ou à l’Allgemeines Künstlerlexikon (ou AKL), dictionnaire biographique des artistes de tous les pays et de tous les temps.
    Une recherche avec les termes « École de Casablanca » ou « Casablanca’s School » permet d’identifier des artistes ayant appartenu à l’École des Beaux-Arts de Casablanca :
    Mohammed Chabâa, Mohamed Melehi, Farid Belkahia ou encore Mohamed Hamidi. 


    Il apparaît d’après l’Oxford Art Online (accès restreint sur abonnement) que l’École de Casablanca n’est pas référencée comme mouvement artistique à proprement parler, mais plutôt comme « un groupe de professeurs-artistes de l’école des beaux-arts de Casablanca qui a eu une influence importante sur le débat concernant la compatibilité des signes traditionnels de la culture arabe avec les formes modernes de la peinture abstraite, et l’utilisation de cette compatibilité
    Article sur  Mohammed Chebaâ.
    L’article sur Mohamed Hamidi évoque le « groupe d’artistes qui ont enseigné à l’école des beaux-arts de Casablanca de 1965 à 1969. Remettant en cause l’enseignement académique de l’institution, ils en ont modifié les méthodes et les objectifs pédagogiques, introduisant notamment des études de calligraphie et de photographie. Ils s’inspirent également de l’école du Bauhaus et des premières expériences d’art optique. Ce groupe tient également à intégrer l’art et l’architecture à part égale et expose en groupe dans des lieux publics tels que les rues, les places et les lycées

    L’Ecole de Casablanca est à l’origine de la publication du périodique Maghreb Art (seulement 3 numéros parus). Ce périodique est disponible à la BnF (Bibliothèque nationale de France) sur le site François Mitterrand Tolbiac en bibliothèque de recherche (Rez-de-jardin – accessible sur accréditation, ainsi qu’à la Médiathèque du Quai Branly.


    L’Ecole de Casablanca, entre retour à la tradition et modernisme

    Sélection de ressources via le SUDOC, catalogue commun des bibliothèques universitaires

    Maroc : une identité moderne : [exposition, Institut du monde arabe-Tourcoing, 15 février-14 juin 2020] [catalogue d’une exposition présentée du 15 février au 14 juin 2020 à l’Institut du Monde Arabe (IMA)] par
    Françoise Cohen (dir.), Institut du monde arabe – Tourcoing, éd. Invenit, Lille, 2020.

    Un article du Journal des arts, en lien avec cette exposition, retrace un historique de cette École de Casablanca :
    L’Ecole de Casablanca, une modernité assumée par Olympe Lemut, Le Journal des arts, le 12/03/2020.
    Extrait :
    « C’est dans la culture marocaine traditionnelle que les artistes puisent les éléments qui vont régénérer l’art au Maroc, du point de vue formel (abstraction géométrique) et technique (cuir, métal). Selon Françoise Cohen, directrice de l’Institut du monde arabe (IMA)-Tourcoing, l’École de Casablanca a cherché, plutôt qu’à créer une modernité ex nihilo, à « recréer une continuité avec les arts vernaculaires ». »

    Farid Belkahia et l’Ecole des beaux-arts de Casablanca, 1962-1974 par Brahim Alaoui, Michel Gauthier, Kenza Sefrioui, éditions Fondation Farid Belkahia, Skira, 2020
    Résumé :
    « Cette monographie consacrée à l’un des pionniers de l’art contemporain au Maroc met en lumière une période cruciale de son parcours, comprise entre son retour au pays en 1962 et sa démission de la direction de l’Ecole des beaux-arts de Casablanca en 1974. Accompagné d’une équipe d’artistes et d’historiens de l’art, il y promeut une pédagogie novatrice et un art ancré dans la culture locale. ©Electre 2020 »

    Ecrits sur l’art par Toni Maraini (autrice), éd. Le Fennec, Casablanca, 2014.
    Toni Maraini a animé à l’Ecole des beaux-arts de Casablanca un cycle d’enseignement en histoire de l’art.
    Résumé
    « Ce livre est un recueil de textes critiques et de brefs essais sur l’art et sur quelques artistes du Maroc. Témoin d’exception d’une époque charnière, Toni Maraini y relate et y analyse des aspects de l’histoire de l’art du Maroc et du Maghreb qui nous aident à mieux comprendre la genèse de leur itinéraire contemporain. Ce « rappel à l’ordre de la mémoire » (Pierre Restany), dont certains textes des années 1960-1980, relèvent d’un travail pionnier de recherche et de documentation historique, est enrichi, dans cette nouvelle édition, d’écrits plus récents et inédits


    L’IMA (Institut du Monde Arabe) de Tourcoing propose une importante documentation, dont une présentation de l’exposition : Maroc, une identité moderne.
    Extrait :
    « Cette exposition fait l’hypothèse de l’objet vernaculaire comme objet de design traditionnel et collectif et interroge sa place dans la culture contemporaine. Elle est centrée sur un temps fort de l’histoire artistique du Maroc, les années 60-70, moment où des artistes, et particulièrement le Groupe de Casablanca, Farid Belkahia (1934-2014), Mohamed Melehi (né en 1936), Mohamed Chabâa (1935-2013), tout juste rentrés de périodes de formation à l’étranger, réévaluent l’apport de la tradition. Loin de la réduire uniquement à un vocabulaire de formes où puiser, ils s’en inspirent pour reconsidérer la position de l’artiste dans la société et faire émerger une nouvelle modernité.
    À la question « comment être marocains et modernes à la fois » (Pierre Restany), ils vont répondre par une exploration de la production artisanale de leur pays non en terme de métiers et de savoir-faire mais comme langage plastique et symbolique et ainsi rechercher une continuité créative entre passé et présent, par-delà la période coloniale. »


    Recherche dans les bases de données bibliographiques spécialisées en arts

    Parmi ces bases spécialisées, Art & Architecture source (en accès restreint, disponible à la bibliothèque de l’INHA : Institut national d’histoire de l’art) dépouille plus de 700 revues et 225 ouvrages en texte intégral dans le domaine de l’art. Ces références proviennent de publications scientifiques ou de niveau universitaire.

    Concernant la place de l’École de Casablanca dans l’art moderne :
    Lives of the Artists : Farid Belkahi par Fatima-Zahra Lakrissa, revue Tate Etc, issue 42, été 2018.
    Extrait (texte en accès restreint) :
    « Il était déterminé à adopter une position artistique sans compromis, incarnée, dès 1963, par son besoin impératif de concurrencer l’influence occidentale par la définition d’une modernité spécifiquement marocaine. C’est ainsi qu’il rompt radicalement et définitivement avec la peinture de chevalet et la peinture à l’huile. Dès lors, Belkahia affiche une nette préférence pour les matériaux traditionnels, tels que le cuivre et la peau de bélier. Il s’agit d’une célébration du passé précolonial et multiculturel du Maroc, tout comme ses nombreuses références à la culture matérielle amazighe (berbère) et africaine (signes tifinagh de l’écriture de la langue amazighe, motifs des tapis amazighs, tatouages) et aux techniques traditionnelles, comme les teintures au henné et au brou de noix, et le traitement de la peau brute. […]
    Cette approche reflète ses aspirations créatives personnelles, ainsi que celles du Groupe de Casablanca, cofondé par Belkahia. Il comptait des artistes tels que Mohammed Chabâa et Mohammed Melehi, qui étaient également convaincus de l’influence régénératrice des arts traditionnels et populaires sur les artistes marocains. […] L’école s’est forgée une réputation pour son enseignement novateur : elle a rejeté l’héritage académique occidental de la peinture de chevalet en faveur d’un vocabulaire artistique abstrait, reformulant les avant-gardes historiques tout en restant consciente des traditions culturelles et historiques du Maroc et de ses composantes amazighes, arabo-africaines et méditerranéennes. Cette approche se reflète dans la phrase désormais célèbre de Belkahia : « La tradition est l’avenir de l’homme ». »

    Autre base de données bibliographiques spécialisée, la Bibliographie d’Histoire de l’Art qui dépouille la littérature scientifique consacrée aux arts de tradition européenne.
    Le catalogue d’une exposition consacrée à Farid Belkahia à l’Institut du monde arabe de Paris en 2005 :
    Farid Belkahia, exposition, 24 mai au 17 juillet 2005 par Brahim Alaoui (préfacier, éditorialiste), Salah Stetie (contributeur), Jacques Leenhardt (contributeur), Rajae Benchemsi (contributeur), éd. IMA, Paris, 2005.


    Autres documents sur des plateformes en ligne académiques plus généralistes

    Malaise dans l’authenticité. Écrire les histoires africaines et moyen-orientales de la modernité par Sandy Prita Meier, Isabelle Montin, revue Multitudes, 2013/2, n°53 (p.77-96), plateforme Cairn Info.
    Résumé :
    « Sandy Prita Meier examine les chevauchements et les divergences qui ont façonné le modernisme « africain » et « moyen-oriental » au sein de la discipline de l’histoire de l’art. Elle analyse les multiples façons dont les curateurs, critiques et universitaires ont fait un usage de la catégorie de « modernité » au cours des deux dernières décennies. Meier met en évidence le modèle des « modernités multiples » comme position stratégique à la fois pour « exciser l’inquiétude continue à propos de la catégorie d’“authenticité” » et dépasser la dichotomie « particularisme et universalisme » à laquelle l’enquête historiographique de l’art est trop étroitement mariée. »

    L’hybridation culturelle, une autre histoire de l’art
    Questions posées à Jean-Hubert Martin par Carole Boulbès, revue Descartes, 2002/3, n°37 (p. 104-110), plateforme Cairn Info.
    Extrait :
    « Qui sont pour vous les artistes qui représentent le mieux l’hybridation culturelle ?
    Quelques exemples :
    Farid Belkahia, artiste marocain rompu à la modernité par ses études et séjours européens, transpose le « shaped canvas » dans les techniques traditionnelles : henné et teintures naturelles sur peau tannée.
    »

    La place de la discipline institutionnelle “histoire de l’art” au Maghreb : un état des lieux par Nadira Laggoune-Aklouche, Fatima-Zahra Lakrissa, Ridha Moumni et Philippe Sénéchal, revue Perspective. Actualité en histoire de l’art, 2017/2, Le Maghreb, plateforme Open edition Journals.
    Extrait :
    « L’historiographie de l’histoire de l’art « montre que la formation de l’histoire de l’art comme champ de savoir théorique ne peut être envisagée sans tenir compte de l’émergence d’un enseignement antiacadémique de l’art dont le groupe des artistes et enseignants de l’école des Beaux-Arts de Casablanca, au milieu des années 1960, constitue un exemple emblématique en ce qu’il donne à voir une complémentarité des expérimentations visuelles et théoriques ainsi qu’une réciprocité entre les modes d’accomplissement de la modernité artistique et les modalités de fixation de son histoire. »

    Enjeux autour de la production de Farid Belkahia par Tamara Choukair, Hypothèses.org, le 18/03/2021.
    Extrait :
    Farid Belkahia devient directeur de l’Ecole des beaux-arts de Casablanca en 1962. « Ce  moment est crucial pour l’histoire de l’art marocain. Rapidement, se concentrent autour de Belkahia diverses personnalités déterminantes pour l’enseignement délivré par l’école : les artistes Mohammed Chabâa et Mohammed Melehi, l’historienne de l’art Toni Maraini et le  passionné d’arts populaires Bert Flint. S’ajoutent plus tard à ce qui s’appelle désormais « École de Casablanca » d’autres artistes comme Mohamed Hamidi, Mustapha Hafid et Jack Azéma.
    C’est par la démarche collective, le détachement de l’académisme et la redécouverte culturelle, liés aux principes esthétiques de l’abstraction géométrique, que ce groupe prétend réformer l’enseignement et construire un art marocain décolonisé. Pour ce faire, selon leur conception, il faut que l’artiste réapprenne son rôle d’artisan, le travail manuel, qu’il connaisse et exploite le patrimoine et les héritages (bijoux, inscriptions, arts textiles, céramiques, etc.). »

    1956-1986 : Trente ans de peinture marocaine par André Goldenberg (auteur), revue Cahiers de la Méditerranée, 1989/38, p.45-57.
    Extrait :
    « Bientôt, autour de l’équipe de professeurs de l’Ecole Municipale des beaux-arts de Casablanca, Melehi, Chebaa et leur directeur Belkahia, se constitue un groupe qui, sous le nom “Formes et couleurs” cherchera à justifier et même à imposer cet art non-figuratif, avec un enthousiasme engagé qui le poussera à rejeter toute autre forme de peinture et tout particulièrement l’art naïf. Le plus connu, et peut-être le meilleur représentant de cette tendance est Jilali Gharbaoui. » (p.47-48)


    Pour aller plus loin…

    Le site de l’IMA-Tourcoing, sur sa page Actualités, propose dans un onglet des ressources liées à ses expositions passées, notamment le dossier de presse de l’exposition Maroc, une identité moderne :
    Présentation : 
    Cette exposition raconte l’histoire d’une rencontre : celle de la créativité populaire et des artistes du Groupe de Casablanca : Farid Belkahia, Mohamed Melehi, Mohamed Chabâa.
    Via sa chaîne Youtube, l’IMA-Tourcoing met notamment en ligne certaines visites (télé) guidées ou des captations de conférences-débats sur sa web-radio.

    Visite (télé)guidée ] L’École des Beaux-Arts de Casablanca

    École des Beaux-arts de Casablanca (1964-1970) : fonctions de l’image et facteurs temporels par Fatima Zahra Lakrissa [date de publication ?], Bauhaus Imaginista, projet de plateforme internationale de recherche et de publication en ligne associant plusieurs institutions dans le domaine de l’art.

    Site internet de la Fondation Belkahia :
    Créée en mars 2015, la Fondation Farid Belkahia est consacrée au rayonnement de l’oeuvre de l’artiste Farid Belkahia.
    C’est ainsi qu’elle inaugure aujourd’hui le musée Mathaf Farid Belkahhia, aménagé au sein même de l’atelier où l’artiste a travaillé près de 30 ans. Elle souhaite y faire revivre la mémoire de ce fondateur de la modernité artistique au Maroc et la faire partager au public, à travers des expositions et l’encouragement à la recherche par l’octroi de bourses et de prix. 


    Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF a mis en ligne la revue Souffles, revue maghrébine littéraire culturelle trimestrielle (publiée de 1966 à 1970 et animée par les membres de l’École de Casablanca).
    Le numéro 7-8, 1967, trimestres 3 et 4, contient un article de Toni Maraini intitulé Situation de la peinture marocaine (p.15 à 19).


    Ouvrages imprimés 

    Farid Belkahia : ou l’art en liberté [actes du colloque, Marrakech, fondation Farid Belkahia, 2016] par la Fondation Farid Belkahia, éd. Skira, Paris, et FFB, Marrakech, 2018.
    Résumé :
    « Farid Belkahia (1934-2014), considéré comme l’un des fondateurs de l’art contemporain au Maroc a mené dès les années soixante une recherche artistique aux expressions multiples et un travail de réflexion fondamental sur les nouvelles voies d’accès à la modernité. […] Préconisant une liberté de créer en perpétuelle reconquête, il élabore une œuvre en résonance avec son environnement naturel et culturel.»

    Melehi par Michel Gauthier (auteur), éd. Skira, Paris, 2019.
    Résumé :
    « Mohamed Melehi fut dans les années 1960 l’un des grands fondateurs de la modernité marocaine. Tout d’abord en contact direct avec l’avant-garde italienne, il pratique ensuite aux États-Unis une peinture pleinement inscrite dans la mouvance hard-edge. Il rentre au Maroc en 1964 pour participer à l’aventure, désormais historique, de l’École de Casablanca. Héritier à sa manière du Bauhaus, Melehi développe alors un art qui tout à la fois s’enracine dans cette tradition vernaculaire que la colonisation avait méprisée et qui se veut résolument séculier, jusque dans une dimension décorative totalement assumée.
    À partir des années 1980, Melehi donne naissance à une peinture fort singulière, où viennent à se confondre abstraction figurative et figuration abstraite. C’est ce parcours artistique sans équivalent que Michel Gauthier s’attache à retracer dans sa logique profonde. »


    Le service de renseignement à distance de l’INHA tient à préciser qu’il s’agit d’un exemple de réponse, et que le niveau de recherche peut être adapté selon les sujets.


    Service d’information à distance de la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, en collaboration avec le service Eurêkoi


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