Accueil » Langues et littérature » Bandes dessinées : Comment définir une BD pour adultes ?

Bandes dessinées : Comment définir une BD pour adultes ?


    image_pdfimage_print

    Médiathèques de Strasbourg – Notre réponse du 20 avril 2020.

    Image par Sarah Huerta de Pixabay


    On pourrait, un peu trop rapidement, penser que la BD pour adultes englobe essentiellement les BD érotiques.
    Mais en lisant les articles ci-dessous vous constaterez qu’il s’agirait là d’un raccourci. 
    Il est en effet préférable de définir la BD adulte comme opposée à la BD destinée à un public jeune.


    Histoire de la BD pour adultes

    Les grands courants de la bande dessinée de Deyzieux Agnès, Le français aujourd’hui, 2008/2 (n° 161), p. 59-68.
    L’histoire mouvementée de la bande-dessinée » par Vincent Bernière dans L’Éléphant, N° 19, paru en juin 2017.
    On y apprend que les premières bandes-dessinées étaient destinées à un public adulte !

    Dans l’article Bande dessinée issu de l’encyclopédie en ligne Larousse, le paragraphe intitulé “Expériences pilotes”, indique que les premières BD pour adultes furent écrites et illustrées avec humour et second degrés.
    Elles ont été publiées dans les années 50 dans le magazine Mad aux États-Unis ainsi que celles écrites par Charles Shultz comme Peanuts.
    Plus tard on retrouvera ce type d’humour dans les revues illustrées française comme HaraKiri.
    Hara-Kiri est presque tout de suite un journal pour adultes
    Pilote le deviendra plus tard, au prix d’affrontements au sein de la rédaction, en 1968, qui aboutiront à la création par des dissidents du journal, au début des années 1970, du très adulte l’Écho des savanes.
    Les héritiers de ces dessins caustiques sont à lire aujourd’hui dans des journaux comme Charlie Hebdo ou Le canard enchaîné.

    Sous appellation BD pour adultes, on retrouve également les BD érotiques dès les années 1960 en France : Jean-Claude Forest, frappe un grand coup en 1964 avec Barbarella” Plus épanouies encore, les créatures de Georges Pichard (Paulette, avec Wolinski, en 1970, puis Blanche-Épiphanie, avec Lob, et enfin Marie-Madeleine de Saint-Eutrope, tout seul) vaudront maints ennuis à leur créateur. Plus érotiques enfin, plus suaves et plus froides, les figures féminines de l’Italien Guido Crepax (Valentina, Histoire d’O) ou de Milo Manara (le Déclic).

    La bande-dessinée pour adultes peut aussi se différencier de la BD jeunesse par sa forme : une illustration plus recherchée, l’apparition des romans graphiques…
    Aux États-Unis, la bande dessinée s’émancipe également et ce sont des auteurs à part entière qui publient des œuvres nouvelles, pour adultes, proches de romans graphiques. Parmi les grands noms de cette mouvance s’inscrivent Justin Green, Robert Crumb (Fritz the Cat), Harvey Pekar ou Art Spiegelman (Maus).


    Les funnies

    Concernant l’émergence des BD pour adultes aux États-Unis :
    On croit souvent que la bande dessinée était d’abord destinée aux enfants. C’est faux ! Les bandes dessinées de Caran d’Ache publiées par Le Figaro à partir de 1895, les funnies américains comme le Yellow Kid, apparu en 1896 et qui fut effectivement le premier personnage de BD à s’exprimer régulièrement dans des phylactères (les bulles), sont d’abord destinés à un lectorat adulte.
    Aux États-Unis, les funnies sont représentatifs d’un moment important de la bande dessinée, appelé l’âge d’or de la bande dessinée américaine, qui prend racine au début du xxe siècle et s’éteint dans les années 1940.


    Les comix

    C’est en réaction à la Comic Code Authority que certains dessinateurs américains, sous la figure tutélaire de Robert Crumb, biberonnés au journal satirique Mad de Harvey Kurtzman, créent l’un des mouvements esthétiques les plus importants de l’histoire de la BD : les comix underground.
    En ajoutant un x à comic, ces dessinateurs issus des mouvements contestataires des années 1960 savent ce qu’ils font. Leurs préoccupations libertaires, autobiographiques et sociétales vont définitivement faire entrer la BD mondiale dans l’âge adulte. Bientôt, ce mouvement culturel traversera l’Atlantique.
    En France, Marcel Gotlib, Claire Bretécher et Nikita Mandryka créent L’Écho des savanes en 1972.

    Le comix qui naîtra et s’épanouira dans la presse connaît son heure de gloire pendant les années 1970. Ces fascicules underground se révèleront politisés, antimilitaristes, satiriques, excessifs, outranciers et s’imposeront comme l’expression d’une génération qui refuse toute contrainte.
    Des auteurs comme Crumb, Gilbert Shelton ou Vaughn Bodé se livreront à toutes les expérimentations graphiques et narratives.


    BD pour adultes et la presse…

    Pilote ou la naissance d’un art ? par Pierre Christin, Patrick Gaumer, Jean-Claude Mézières, Le journal de l’école de Paris du management, 2011, (n°90).
    Résumé :
    Si le journal Pilote, né au début des années 1960, a joué un rôle majeur dans la reconnaissance de la BD comme un art à part entière, ses créateurs étaient loin d’imaginer une telle consécration. Pilote a cassé les genres, ouvert des espaces de liberté, misé sur des auteurs atypiques et talentueux, et exprimé une contre-culture, jusqu’à ce que la BD de presse soit condamnée à disparaître au profit d’une BD éditoriale : le 9e art, une exception française à laquelle Pilote a beaucoup contribué.


    Gotlib, Bretécher, Mandryka, Druillet ou Moebius, autant d’auteurs qui revendiquent une liberté d’expression qu’un journal pourtant aussi éclectique et ouvert que l’était Pilote ne pouvait leur offrir.
    Ils vont donc fonder leurs propres magazines dans ces années 1970 (qui deviendront pour certains des maisons d’édition).
    En quelques années, une nouvelle presse pour adultes fleurit : ce sera l’Écho des Savanes, Métal Hurlant, Fluide Glacial, À suivre.


    Pour conclure…

    La bande-dessinée pour adultes constitue une BD usant de l’humour caustique, du second degré, abordant des sujets comme la politique, la violence ou le sexe et/ou usant d’une forme graphique plus recherchée, en tout cas différente de la BD classique ou pour public jeune.
    Les thèmes principaux sont l’humour, la pornographie, la science-fiction, le surréalisme graphique, le féminisme… Le mouvement disparaît avec la fin de l’élan contestataire mais aura permis l’émergence d’une bande dessinée résolument adulte et remis à l’honneur la notion d’auteur .

    À (re)découvrir :

    Le site et le catalogue de l’exposition Les maitres de la BD européenne organisée par la BnF (Bibliothèque nationale de France) en 2000.


    Eurêkoi – Médiathèques de Strasbourg
    https://www.mediatheques.strasbourg.eu/



    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *